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NATURE MORTE

99 mini installations pour une ancienne gare de fret

Gare Maritime, Bruxelles

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 Pendant l’Âge d'Or de la peinture néerlandaise et flamande, le thème de la nature morte a été au cœur du développement d'un nouveau vocabulaire allégorique adapté à l'époque. Les natures mortes servaient traditionnellement à la représentation symbolique de la fugacité de la vie, tandis que la richesse des textures et la complexité des détails qui les caractérisaient offrait aux artistes la possibilité de faire preuve de leur maîtrise et leurs talent.

 Le commerce outre-mer avec l'Afrique, l'Asie et le Nouveau Monde alimentât l'émergence d'une classe marchande fortunée, désireuse de célébrer et d’afficher sa nouvelle richesse en commandant ou en achetant des œuvres d'art auprès des maîtres contemporains.

 Le commerce croissant introduisit également des produits exotiques du monde entier, tels que les épices, le thé, la soie, les pierres précieuses et la porcelaine d'Asie, le vin, l'huile et les fruits de la Méditerranée, le tabac et le sucre des Amériques, ainsi que des personnes d'Afrique réduites en esclavage, qui étaient considérées et traitées comme une quelconque marchandise.

 Les artistes ont rapidement commencé à incorporer ces nouveaux symboles matérialistes de prospérité dans leurs natures mortes.     L’évidence du thème vanitas représenté traditionnellement par biais d’objets inanimés comme les crânes ou les sabliers, se traduisit à cette époque par des symboles plus subtils comme des fleurs, des mouches, des nids d'oiseaux, des escargots, des coccinelles, des lézards ou des papillons, dissimilant le message sous des couches de couleurs gaies et des étalages d’opulence.

 La narration à l’apparence vide des natures mortes était en fait peuplée de petites créatures attirées dans la scène par la nourriture ou les fleurs et par le calme de l'absence humaine, et remplie d'indices pour interpréter le symbolisme sous-jacent de la vie à l'Âge d'Or.

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 Cette installation utilise l'ensemble du bâtiment de la Gare Maritime comme une figuration de nature morte, peuplée de minuscules créatures mettant en scène des représentations allégoriques - et parfois ironiques - de la naissance, de la vie et de la mort, réaffirmant le rôle central que joue l'art dans l'exploration de l'existence et du métaphysique.

 Une audio-installation d'une heure, jouée au hasard tout au long de la journée, sert de bande sonore à 99 mini installations permanentes dispersées dans l'espace. Une minuscule population d'escargots territoriaux, de lézards sournois, de nids d'oiseaux électriques, de scorpions avides, de souris solitaires, de criquets excités, de cafards existentiels et bien d'autres, colonisent discrètement les colonnes, les murs, les branches d'arbres, les coins cachés et les poutres de la Gare Maritime.

 Dans une succession de petits tableaux sculpturaux mesurant juste quelques centimètres, le visiteur et le passant découvriront par hasard ces minuscules natures mortes dans des endroits inattendus, et se sentiront peut-être comme un enfant le matin de Pâques trouvant un œuf en chocolat doré caché dans le jardin de ses grands-parents.

 Les gares de fret ont toujours été peuplées de petits animaux vivant des marchandises stockées, souvent importées involontairement d'autres pays avec les denrées.

Profitant des convois humains, d'innombrables espèces vivantes voyagent à travers les continents et conquièrent de nouveaux territoires.

 Les expositions d'art ont aussi souvent entraîné par inadvertance des changements dans les écosystèmes. À la fin des années 1980, lorsque des caisses contenant des œuvres d'art ont été ouvertes au pavillon australien de la Biennale de Venise, il s'est avéré que quelques coléoptères avaient traversé l'océan avec les œuvres. Ces bestioles ont vite trouvé le confort d’un nouveau foyer dans les Giardini della Biennale, où elles se sont multipliées de manière exponentielle au fil des ans, remplaçant presque complètement le coléoptère endémique.

 Les insectes, reptiles, oiseaux, rongeurs et autres petits mammifères ont tous appris à survivre dans l'environnement urbain, se méfiant des humains et des machines. La ville est un organisme en constante évolution : alors que certaines espèces urbaines prospèrent, d'autres font face à la perte constante de territoires, tout comme les quelques animaux qui ont survécu à l'état sauvage, bravant les conséquences de l'Anthropocène.

 Cette installation est aussi un mémorial à toutes ces petites créatures.

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